LA PETITE HISTOIRE DE LA ROUTE DES VINS DE BROME-MISSISQUOI

La Route des vins et sa vingtaine de vignobles établis tout au long du piémont des Appalaches fait la fierté de Brome-Missisquoi. Son histoire, vous découvrirez, est aussi savoureuse que les vins qui y sont nés.

L’avant 1980

La Route des vins fut construite sur les assises des Loyalistes. Fidèles à l’Angleterre, ils arrivent après la révolution américaine et reçoivent des concessions de terres de la Couronne et colonisent la région des Cantons-de-l ‘Est. Le secteur de Dunham forma le premier « Township ». L’agriculture est difficile sur ces valons arides; « des terres de roches » disait-on. Avant les années 80, la culture de la vigne s’y faisait à très petite échelle. Puis, l’achat d’une ferme maraîchère avec son microclimat semblable à celui de la vallée du Niagara alluma toutes les ambitions.

LES PIONNIERS DE LA ROUTE DES VINS

Christian Barthomeuf, un artiste du vin et plus encore

La ferme achetée par Christian Barthomeuf en 1977 possédait des qualités de terroir exceptionnelles. Tout en étant une réelle expérience d’apprentissage, il venait ainsi de lancer une nouvelle industrie régionale. Aujourd’hui, le Domaine des Côtes d’Ardoise est reconnu comme le premier vignoble commercial de la région.

Par la suite, il applique ses connaissances à créer de nouveaux produits tels que les vins et cidres de glace en plus de conseiller les vignerons dans l’élaboration de produits durables de grande qualité. Il fut d’ailleurs parmi les premiers à utiliser une approche de culture archaïque-moderne en implantant des échanges systémiques équilibrés entre terre, air et plants. Aujourd’hui, avec sa partenaire Louise Dupuis, il exploite le Clos Saragnat. Il peut d’ailleurs se vanter d’être le gardien de pommiers historiques du patrimoine québécois avec un verger composé de différents pommiers de souche délaissés par d’autres pour des variétés nouvelles.

En 1984, le Domaine des Côtes d’Ardoise fut acheté par Dr Jacques Papillon, chirurgien plasticien de renommée. Jusqu’en 2010, ce dernier a contribué à l’innovation des méthodes de travail, à faire reconnaitre et à commercialiser le vin artisanal. En plus d’avoir introduit les premiers tracteurs enjambeurs au Québec en 1986, il a créé un lieu d’exception en intégrant au vignoble, une magnifique galerie d’art nature ; l’évènement Nature et Création expose une centaine d’œuvres à chaque année, suscitant l’intérêt des adeptes d’art et de bon vin. Bien aimé et respecté de ses pairs, on le surnommait « Le Sage » parmi les vignerons. Son respect pour la nature, l’art et le bien-vivre constituent l’héritage qu’il a laissé au domaine viticole.

L’Orpailleur, l’expertise d’Hervé Durand et Charles-Henri de Coussergues

Hervé Durand, descendant d’une longue lignée de vignerons français d’Avignon, achète la ferme voisine du Domaine des Côtes d’Ardoise et y établit le vignoble Château blanc, rebaptisé L’Orpailleur (le chercheur d’or) par Gilles Vigneault en 1985. Son partenaire, Charles-Henri de Coussergues, vient d’une famille de vignerons de la région de Nîmes. Il est arrivé au pays en tant que stagiaire, engagé à la fois par le Domaine des Côtes d’Ardoise et au Vignoble de l’Orpailleur. Ses connaissances en tant que diplômé en viticulture et œnologie furent rapidement reconnus. Après son stage, Hervé Durand, l’engage comme gérant de ferme. Puis, les deux deviennent partenaires avec les hommes d’affaires Frank Furtado et Pierre Rodrigue. Ces vignerons ont apporté une solution inusitée mais efficace pour protéger certaines variétés de vignes des froids hivers québécois. La technique de buttage permet de couvrir les plants fragiles de buttes de terre que l’on enlève au printemps. De plus, ils implantent le système de lutte raisonnée pour déterminer les types et la quantité d’interventions nécessaires pour enrichir et protéger les vignes.

Le Vignoble de la Bauge (le nid de sanglier), créé en 1986, est l’œuvre d’une passion qui traverse les générations. Alcide et Ghislaine Naud et plus tard, Simon, après avoir établi la première ferme d’élevage de sangliers au Québec, optent pour la viticulture. Depuis, on peut y explorer un milieu charmant où les vignes font leur chemin au travers d’animaux exotiques qui y ont trouvé asile tout au long des années.

D’autres vignobles de cette période ont connu plusieurs exploitants. Par exemple, le domaine des Blancs Coteaux, d’abord la propriété de la famille Breault, est vendu à un jeune couple, Marie-Claude Lizotte et Pierre Genesse, puis, revendu à la famille Dubé qui y travaille jusqu’en 2009. Aujourd’hui, La famille Gagliano exploite le Vignoble rebaptisé avec son patronyme.

Sortir de l’illégalité !

La légalisation du vin artisanal

Tout au long des années 80, les vignerons s’organisent afin d’implanter cette nouvelle industrie au Québec. Leur premier grand défi était la mise en marché. La SAQ (Société des Alcools du Québec) est le seul organisme de contrôle et distribution de boissons alcoolisées pour la province. On faisait donc face à un problème de taille, puisque, sans permis, les vignerons vendaient leur vin illégalement risquant, à la limite, de se faire confisquer leur production et payer de fortes amendes. En 1985, ils obtiennent finalement un premier permis très restrictif de production artisanale de vins. En 1987, ils créent l’Association des Vignerons du Québec qui travaillera près de dix ans pour rendre ce permis moins restrictif et plus convivial avec leurs projets.

 

LES ANNÉES 90 : LES ANNÉES D’EXPANSION

Les années 90 voient naître plusieurs nouveaux vignobles. En 1991, Le Clos Sainte-Croix transforme l’arrière d’une demeure ancestrale à Dunham; près de Farnham, un Savoyard établit Les Pervenches ; Le chemin du Ridge, entre Stanbridge-East et St-Armand abrite les Vignobles l’Ardennais et plus tard, en 1997, Le Domaine du Ridge y voit le jour. Aussi à Dunham, Les Trois Clochers, abandonné en 1987, renaît en 1997.

Le Vignoble de la Chapelle Ste-Agnès est l’œuvre d’une visionnaire avec une histoire hors du commun. En 1997, Mme Henrietta Antony, Tchèque d’origine et antiquaire montréalaise, crée assurément un des vignobles les plus spectaculaires de la région. Développé à même les Monts Sutton, ce domaine d’inspiration médiévale surplombe des rangs de vignes plantées en terrasses. La chapelle honorant Ste-Agnès de Bohême, les caves rappelant celles de l’ordre des Templiers, les sculptures et artéfacts ornant les passages, tout est à la hauteur d’une vision qui nous ramène vers une époque de grand romantisme. Notons que l’expertise de Christian Barthomeuf fut de nouveau sollicitée pour la conception de ce vignoble.

Vers la fin de la décennie, Le Vignoble de la Mission, tout près de Cowansville, commercialise sa production de vin. Finalement, Léon Courville, un économiste de renommé, débute dans la viticulture en 1999 et plante son vignoble sur un coteau surplombant le lac Brome avec une vue imprenable des Cantons de l’Est. Perfectionniste, il adopte l’approche de lutte raisonnée pour son vignoble et introduit la thermorégulation dans son chai.

 

LE NOUVEAU SIÈCLE : L’AN 2000 MARQUE LES 20 ANS D’EXISTENCE DE L’INDUSTRIE

Des exploitations plus diversifiées et innovatrices explorant le viticole auprès du cidricole ou encore d’autres produits du terroir s’installent. Plusieurs introduisent des techniques durables telles les éoliennes pour une meilleure efficacité énergétique.

Entre West-Brome et Sutton, la famille Bresee, exploitant déjà un élevage de bœufs charolais, établit le Vignoble Bresee en 2001. En 2005, Val Caudalies ajoute la viticulture à son entreprise de pomiculture et cidrerie. En 2007, Le couple Lizotte-Genesse fondent un deuxième vignoble sur la route des vins, le Domaine Vitis, qui devient, quelques années plus tard, Le Vignoble Bromont. Établi en 2008, Le Vignoble Pigeon Hill opte pour le vin biologique.

Finalement, les derniers nés : En 2009, le vignoble La Grenouille s’installe entre Dunham et Cowansville. En 2010, anciennement Fleurs de pommiers, UNION LIBRE cidre & vin présente le cidre de feu avec un procédé de leur cru. En 2013, Le Château de cartes ajoute la viticulture à sa cidrerie. Aussi en 2013, adossé au mont Sutton, Le Vignoble du Ruisseau innove en introduisant la géothermie protégeant ainsi leurs vignes de Vitis vinifera pour produire leurs délicieux Cabernet et Pinot.

 

LA ROUTE DES VINS : UN MODÈLE DE COOPÉRATION

En 2003, La Route des vins de Brome-Missisquoi s’est dessinée pour promouvoir les vignobles de la région et pour bien guider les visiteurs au travers de ceux-ci. Depuis 2006, plus d’une centaine d’entreprises agroalimentaires, de plein air, de culture, des boutiques, des restaurants et des hébergements s’y sont ajoutés en formant Les Amis de la route des vins. Ce regroupement d’entreprises vient enrichir le séjour des touristes tout en faisant la promotion de l’industrie vinicole.

L’histoire de La Route des vins de Brome-Missisquoi révèle l’esprit de cette région de bâtisseurs visionnaires respectueux de la nature et de ses bienfaits. Ce territoire, naguère laissé pour compte, est devenu un joyau des Cantons de l’Est. Venez rencontrer les vignerons, afin qu’à leur tour, ils puissent vous raconter leur histoire.

Références